Les deux vieux hommes devant à la longue table à côté de la scène. L’un se tient les deux coudes sur la table et a juste son visage levé vers la scène à droite, visage dont la rougeur faussement saine et une barbe embroussaillée, taillée en carré mais irrégulière dissimulent tristement son âge, tandis que l’autre juste en face de la scène tient son visage véritablement desséché par la vieillesse à distance de la table, à laquelle il n’est accoudée que du bras gauche, maintenant son bras droit en l’air, courbé, pour mieux profiter de la mélodie qu’il accompagne de la pointe des pieds et à laquelle cède faiblement la courte pipe dans sa main droite. « Grand-père, chante donc avec nous », crie la femme tantôt au premier, tantôt au second tout en se penchant un peu et en tendant les bras pour les pousser à chanter.
– Les mélodies sont aptes à attraper chaque homme sautant en l’air et sans se déchirer à envelopper tout son enthousiasme, puisqu’on ne veut pas croire que ce sont ces mélodies qui en sont la cause. Car les 2 en caftan surtout se pressent de chanter, comme si cela leur allongeait le corps vers son besoin le plus authentique et le claquement de leurs mains pendant le chant signale de manière manifeste le plus grand bien-être de l’homme chez l’acteur. – Les enfants du patron du café dans un coin restent avec madame Klug sur la scène dans un rapport enfantin et chantent avec elle, la bouche entre les lèvres tendues en avant pleine de la mélodie.
La pièce : Seidemann, un riche juif, en concentrant manifestement tous ses instincts criminels en vue de cet objectif, s’est fait baptiser il y a déjà vingt ans, et, comme elle refusait le baptême, a empoisonné sa femme à l’époque. Depuis il s’est efforcé d’oublier le jargon qui, de façon involontaire bien sûr, continue à s’entendre de manière sourde dans ce qu’il dit, et tout particulièrement au début afin que les spectateurs s’en souviennent et parce que les événements à venir laissent du temps pour cela ne cesse d’exprimer un grand dégoût de tout ce qui est juif. Il a destiné sa fille à l’officier Dragomirow, tandis que celle-ci, qui aime son cousin le jeune Edelmann, au cours d’une grande scène se dresse contre son père dans une posture inhabituelle, rompue juste à la taille et pétrifiée, et lui explique qu’elle est fermement attachée au judaïsme, avant de conclure tout un acte par un rire méprisant face à la violence qui lui est faite. (Les chrétiens de la pièce sont : un brave serviteur polonais de Seidemann, qui contribuera à le démasquer, sage surtout parce que les opposés doivent être réunis autour de Seidemann ; l’officier, dont la pièce s’occupe peu si ce n’est pour montrer comment il s’endette, parce qu’en tant que chrétien de haut rang il n’intéresse personne, de même qu’un président de tribunal qui entre plus tard en scène ; et enfin un huissier dont la méchanceté ne va pas au-delà des exigences de sa fonction et de la gaieté des deux personnes en caftan, bien que Max le qualifie de progromiste.) Mais Dragomirow, pour on ne sait quelles raisons, ne peut se marier tant que ses traites ne sont pas payées, traites qui sont en la possession du vieil Edelmann, mais que celui-ci, bien qu’il s’apprête à partir pour la Palestine et que Seidemann veuille les lui payer comptant, ne cède pas. Face à l’officier amoureux, la fille est hautaine et se vante de son judaïsme bien qu’elle soit baptisée, l’officier ne sait que faire, et les bras ballant les mains mollement nouées, regarde le père en cherchant son aide. La fille s’enfuit chez Edelmann, elle veut épouser son bien-aimé, même si ce ne peut être qu’en secret pour le moment, puisque selon la loi temporelle il est interdit à un juif d’épouser une chrétienne, et qu’elle ne peut évidemment pas se convertir au judaïsme sans l’accord de son père. Le père la rejoint, comprend que sans ruse tout est perdu et fait semblant de donner sa bénédiction à ce mariage. Tous lui pardonnent, commencent même à l’aimer comme s’ils avaient été dans leur tort, même le vieil Edelmann et surtout lui, bien qu’il sache que Seidemann a empoisonné sa sœur. (Cette lacune est peut-être due à une coupure, peut-être aussi au fait que la pièce est passée oralement d’une troupe de comédiens à l’autre) Cette réconciliation permet surtout à Seidemann d’entrer en possession des traites de Dragomirov, car « Sais-tu » dit-il « je ne veux pas que ce Dragomiriv parle mal des juifs » et Edelmann les lui donne pour rien, puis Seidemann l’appelle depuis la portière en arrière-plan, soi-disant pour lui montrer quelque chose, et lui assène par derrière un coup de couteau mortel dans le dos, à travers sa robe de chambre. (Entre la réconciliation et le meurtre, Seidemann était resté un moment éloigné de la scène afin de préparer son plan et de s’acheter un couteau) En faisant cela il veut livrer le jeune Edelmann à la potence, car c’est sur lui que doit porter le soupçon, et sa fille sera libre pour Dragomirov. Il s’enfuit, Edelmann est étendu derrière la portière. La fille apparaît avec son voile de fiancée, au bras du jeune Edelmann qui a vêtu la chemise de prière. Le père n’est comme ils voient malheureusement pas encore là. Seidemann arrive et semble heureux de voir les fiancés. Alors apparaît un homme, peut-être Dragomirov