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13 X II Transition sans art entre la peau tendue sur le crâne chauve de mon chef et les minces rides sur son front. Une faiblesse manifeste de la nature, très facile à imiter, des billets de banque ne sauraient être faits ainsi.
27 mardi Août 2013
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13 X II Transition sans art entre la peau tendue sur le crâne chauve de mon chef et les minces rides sur son front. Une faiblesse manifeste de la nature, très facile à imiter, des billets de banque ne sauraient être faits ainsi.
26 lundi Août 2013
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blouse, duvet, Ferdinandstrasse, joues, journal parisien, Max, nez, Rehberger, Rittergasse
12.X II. Hier travaillé chez Max au journal parisien. Dans la pénombre de la Rittergasse, la grosse et chaude Rehberger dans son costume d’automne que nous n’avons connue que dans sa blouse d’été et sa mince et petite veste bleue dans lesquelles une fille au physique qui n’est pas tout à fait sans défauts a finalement l’air pire que si elle était nue. Ce qu’on avait vu alors, c’était surtout son gros nez dans un visage anémique dont il aurait fallu presser longtemps les joues avant d’y faire apparaître une rougeur, le fort duvet blond qui s’était accumulé sur la joue et la lèvre supérieure, la poussière de la voie ferrée qui s’était perdue entre le nez et la joue, et la blancheur malsaine dans l’échancrure de sa blouse. Mais aujourd’hui nous l’avons suivie pleins de respect, et quand j’ai dû prendre congé à l’entrée d’un passage devant la Ferdinandstrasse parce que je n’étais pas rasé et que j’avais en plus une allure misérable (alors que Max était très beau avec son pardessus noir, son visage blanc et l’éclat de ses lunettes), j’ai ressenti par la suite quelques poussées d’affection pour elle. Et quand j’en ai cherché la raison, je revenais toujours au fait qu’elle était si chaudement vêtue.
24 samedi Août 2013
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Avant hier chez les juifs au Café Savoy. La « Sejdernacht » de Feimann. Si à certains moments nous n’intervenions pas dans l’action (cela vient de me traverser l’esprit), c’est uniquement parce que nous étions trop émus, et non parce que nous n’étions que spectateurs.
23 vendredi Août 2013
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inHier soir sur le Graben. S’avançant vers moi trois actrices qui venaient d’une répétition. Il est si difficile de se faire rapidement une idée de la beauté de 3 femmes quand on veut encore regarder 2 acteurs qui avancent derrière elles de ce pas trop oscillant et aussi léger des comédiens. Les deux hommes, dont celui de gauche avec son visage juvénile et gras, son pardessus ouvert enveloppant une forte silhouette, est assez caractéristique pour les deux, dépassent les dames, celui de gauche sur le trottoir, celui de droite sur la chaussée. Celui de gauche saisit son chapeau tout à son sommet, y plonge ses 5 doigts, le soulève bien haut et lance (c’est seulement maintenant que celui de droite se décide à faire de même): Au revoir ! Bonne nuit ! Mais tandis que cette course pour les dépasser et les saluer a séparé les messieurs, les femmes saluées, comme si elles étaient guidées par celle qui marche vers la chaussée et semble la plus frêle et la plus grande, mais aussi la plus jeune et la plus belle, continuent leur chemin, aucunement troublées, leur léger salut interrompant à peine leur conversation harmonieuse. Tout cela, à cet instant, m’a paru constituer une preuve solide que les rapports au sein du théâtre sont ordonnés et bien menés.
22 jeudi Août 2013
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10.X II Ecrit un article sophistiqué pour et contre la Compagnie dans le Journal de Tetschner-Bodenbacher.
Note du traducteur: Kafka, depuis 1908, travaille à la Compagnie d’assurance pour les accidents des travailleurs du royaume de Bohême (Arbeiter-Unfall-Versicherungs-Anstalt für das Königreich Böhmen)
21 mercredi Août 2013
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inRêve de cette nuit dont même encore ce matin je ne percevais pas la beauté mis à part une petite scène comique composée de deux répliques, qui provoqua ce monstrueux plaisir du rêve, scène que j’ai cependant oubliée. Je marchais – je ne sais pas si Max était là dès le début – à travers une longue rangée de maisons à la hauteur du premier ou deuxième étage, comme on passe d’un wagon à l’autre dans les trains à couloir. Je marchais très vite peut-être aussi parce que la maison était parfois si fragile qu’on se dépêchait déjà pour cette raison. Je ne faisais pas du tout attention aux portes entre les maisons, c’était juste une immense enfilade de pièces, et pourtant on distinguait des différences non seulement entre les appartements mais aussi entre les maisons. Peut-être ne faisais-je que traverser des chambres meublées. Il m’est resté en mémoire un lit typique, placé sur le côté à ma gauche contre le mur sombre ou sale, incliné peut-être comme le mur d’une mansarde, lit surmonté d’une petite construction faite de draps et dont un coin de la couverture, en fait une toile grossière piétinée par celui qui a dormi là, pend vers le sol. Je me sentais honteux de passer dans leurs chambres à une heure où beaucoup de gens étaient encore au lit, c’est pour cela que je marchais sur la pointe des pieds en faisant de grandes enjambées, espérant ainsi montrer que j’étais obligé de passer, que je faisais tout mon possible pour ne rien déranger et marchais sans m’arrêter, que mon passage, pour ainsi dire, ne comptait absolument pas. C’est aussi pour cette raison que je ne tournais jamais la tête dans une même chambre et regardais seulement vers la droite, du côté de la rue, ou bien vers la gauche, du côté du mur du fond. La suite d’appartements était souvent interrompue par des bordels que je traversais particulièrement vite, même si c’était semble-t-il pour y aller que je passais par là, si bien que je ne remarquai rien les concernant sinon leur existence. Le mur qui était en face de la porte par laquelle j’étais entré, soit le dernier mur de la rangée de maisons, était en verre ou bien même percé, et si j’avais continué à marcher je serais tombé dans le vide. Il est même plus vraisemblable qu’il ait été percé, car les prostituées étaient couchées vers le bord du plancher, j’en voyais deux, par terre, la tête de l’une d’elles sortait et pendait dans le vide. A gauche il y avait un mur plein, à droite en revanche le mur n’était pas complet, on voyait la cour de l’autre côté sans d’ailleurs en voir le fond et un escalier délabré et gris y menait à travers plusieurs paliers. A en juger d’après la lumière dans la chambre, le plafond était pareil à celui des autres chambres. J’avais surtout affaire à la fille dont la tête pendait, Max à celle qui était couchée à côté d’elle à gauche. Je palpais ses jambes et ne faisais ensuite que presser à un rythme régulier le haut de ses cuisses. Mon plaisir à faire ça était si grand que je m’étonnai de n’avoir rien dû encore payer pour ce divertissement qui était justement ce qu’il y avait de plus agréable. J’étais persuadé que je trompais le monde et que j’étais seul à le faire. Puis la fille, tout en gardant ses jambes immobiles, redressa son buste et me tourna le dos qui, à mon grand effroi, était couvert de grands cercles d’un rouge de cire à cacheter aux bords pâlissant et entre eux des éclaboussures rouges dispersées. Je remarquai alors que tout son corps en était plein, que mon pouce sur ses cuisses était posé dans de telles taches et que j’avais aussi ces petites particules rouges comme celles d’un sceau brisé sur mes doigts. Je reculai vers une foule d’hommes qui semblaient attendre contre le mur près de l’escalier qu’empruntaient quelques personnes. Ils attendaient comme des hommes à la campagne rassemblés sur la place du marché le dimanche matin. C’était donc aussi un dimanche. Alors eut lieu la scène comique, quand un homme, que moi et Max avions des raisons de craindre, partit puis remonta l’escalier, vint vers moi et, tandis que moi et Max attendions de lui avec crainte quelque terrible menace, me posa une question niaise et ridicule. Puis je restai là et, soucieux, regardai Max qui, ne craignant rien dans cet établissement, était assis sur le sol quelque part à gauche et mangeait une soupe épaisse d’où ressortaient les pommes de terre sous la forme de grosses boules, une surtout. Il l’écrasait dans la soupe avec une cuillère, peut-être avec deux cuillères, ou la retournait seulement.
17 samedi Août 2013
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cerveau, dents, dissection, lèpre intérieure, lèvre supérieure, mademoiselle Kaufmann, quarantième année, scalpel, vieille fille
9 X II
Si je devais atteindre ma quarantième année, j’épouserais sans doute une vieille fille aux dents de devant proéminentes et que la lèvre supérieure laisserait ressortir un peu. Les incisives supérieures de mademoiselle Kaufmann, qui était à Paris et à Londres, se chevauchent comme des jambes que l’on croise rapidement les genoux pliés. Mais il est peu probable que je vive jusqu’à quarante ans, la tension qui s’installe souvent dans la moitié gauche de mon crâne, par exemple, est le signe du contraire, tension palpable comme une lèpre intérieure et qui, lorsque j’ignore les désagréments pour ne considérer que le phénomène, me fait la même impression que la vue d’une coupe transversale de la cervelle dans les livres scolaires, ou d’une dissection presque indolore sur un corps vivant où le scalpel, procurant un peu de fraîcheur, s’arrêtant souvent et revenant, parfois tranquillement posé, continue à disséquer prudemment des membranes fines comme des feuilles, tout près des parties du cerveau en activité.
15 jeudi Août 2013
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inL’aspect de la simple scène qui attend les acteurs tout comme nous, muette. Comme, avec ses trois murs, sa chaise et sa table, elle devra suffire à toutes les actions, nous n’attendons rien d’elle, au contraire nous attendons les acteurs de toutes nos forces, et c’est pourquoi nous sommes irrésistiblement attirés par le chant derrière les murs vides sur lequel s’ouvre la représentation.
14 mercredi Août 2013
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Désir de voir un grand théâtre yiddish, car il est tout de même possible que la représentation souffre du peu de personnel et d’une connaissance imparfaite. Désir également de connaître la littérature yiddish à laquelle est manifestement assignée une position de combat nationale et ininterrompue qui détermine chaque oeuvre. Soit une position qu’aucune littérature même pas celle du peuple le plus opprimé n’occupe de cette façon si extrême. Chez les autres peuples, c’est peut-être pendant les périodes de conflit que la littérature nationale et combative refait surface, et que d’autres oeuvres plus éloignées, grâce à l’enthousiasme des spectateurs, acquièrent une apparence nationale en accord avec celle-ci, comme p.e. La Fiancée vendue, mais ici il semble que seules les oeuvres de la première catégorie subsistent, et ce sur la durée.
13 mardi Août 2013
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« Imitatrice d’hommes » est en vérité une dénomination qui ne convient pas. Comme elle est plongée dans son caftan, on oublie totalement son corps. C’est uniquement à travers le tressaillement de ses épaules et le roulement de son dos, comme sous l’effet d’une morsure de puce, qu’elle nous rappelle l’existence de son corps. Quoique courtes, ses manches doivent être remontées juste un peu à chaque instant, ce dont le spectateur se promet un grand soulagement pour cette femme qui doit tant chanter et expliquer sur un mode talmudique, et celui-ci fait même attention que ce geste se produise.