Aujourd’hui, par exemple, j’ai commis trois insolences, l’une envers un conducteur, l’autre envers une personne qu’on me présentait, bon, en fait ce n’était que deux insolences, mais elles me font souffrir comme des maux d’estomac. Venant de n’importe qui ç’eût été des insolences, alors venant de moi. Je suis sorti de moi-même, j’ai lutté dans l’air dans le brouillard et le pire est que personne n’a remarqué que je commettais et devais commettre une insolence en tant que telle même envers ceux qui étaient à mes côtés, et que je devais faire la mine appropriée et en porter la responsabilité ; mais le plus grave est qu’une des personnes de ma connaissance n’a pas pris cette insolence pour un signe de caractère mais pour le caractère lui-même, qu’il a attiré mon attention sur mon insolence et l’a admirée. Pourquoi est-ce que je ne reste pas en moi ? Maintenant il est vrai que je me dis : regarde, le monde se laisse frapper par toi, le conducteur et la personne qu’on t’a présentée sont restés tranquilles quand tu es parti, cette dernière t’a même salué. Mais ça ne veut rien dire. Tu ne gagneras rien si tu quittes ton cercle, et puis que perdras-tu en restant à l’intérieur ? A cette question, je me contente de répondre : moi aussi je préférerais me laisser rouer de coups dans le cercle plutôt que de donner moi-même des coups à l’extérieur, mais où diable est ce cercle ? Pendant un temps, je le voyais posé à terre, comme arrosé de chaux, mais à présent il m’apparaît flottant autour de moi, en fait il ne flotte même pas.
#journalkafka, premier cahier, 15
27 lundi Mai 2013
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