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Le Journal de Kafka

~ nouvelle traduction par Laurent Margantin

Le Journal de Kafka

Archives de Tag: fenêtre

#journalkafka, premier cahier, 30

29 mercredi Mai 2013

Posted by Laurent Margantin in Premier cahier

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écrire, fenêtre

19/ II I I

L’espèce particulière d’inspiration avec laquelle, en homme le plus heureux et le plus malheureux, je vais dormir maintenant à deux heures du matin (elle va peut-être, si j’en supporte seulement la pensée, rester, car elle est supérieure à toutes celles qui l’ont précédée) est celle grâce à laquelle je peux tout, pas seulement dans le cadre d’un travail précis. Si j’écris une phrase au hasard, p.e. Il regardait par le fenêtre elle est déjà parfaite.

#journalkafka, premier cahier, 23

28 mardi Mai 2013

Posted by Laurent Margantin in Premier cahier

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éducation, centre de gravité, désespoir, famille, fenêtre, pêcheur, professeurs, repentir, reproches, tramway

Souvent j’y réfléchis et laisse la pensée suivre son cours sans m’en mêler, mais toujours j’arrive à la conclusion que mon éducation m’a plus corrompu que je ne peux le comprendre. Dans mon apparence extérieure je suis un homme comme les autres, car l’éducation de mon corps, qui est ordinaire, s’en est tenue à l’ordinaire, et même si je suis assez petit et un peu gros, je plais à beaucoup de gens, aussi aux filles. Là-dessus il n’y a rien à dire. Dernièrement encore, l’une d’elles me disait quelque chose de très raisonnable : « Ah, si seulement je pouvais vous voir nu c’est là que vous devez être joli et l’on doit avoir envie de vous embrasser » disait-elle. Mais s’il me manquait ici la lèvre supérieure, là le pavillon de l’oreille, ici une côte et là un doigt, si j’avais sur la tête des plaques de calvitie et sur le visage des marques de petite vérole, cela n’exprimerait pas suffisamment mon imperfection intérieure. Cette imperfection n’est pas innée et pour cette raison elle est d’autant plus douloureuse à porter. Car comme chacun j’ai de naissance mon centre de gravité en moi que même l’éducation la plus folle n’a pas pu déplacer. Ce bon centre de gravité, je l’ai encore, mais, pour ainsi dire, plus le corps qui va avec. Et un centre de gravité qui n’a plus rien à faire devient plomb et est planté dans le corps comme une balle de fusil. Mais cette imperfection n’est pas non plus méritée, j’ai subi sa naissance sans en être responsable. C’est aussi pourquoi je ne peux trouver de repentir nulle part en moi, même si je ne cesse de le chercher. Car le repentir serait bon pour moi, il pleure toutes ses larmes en lui-même ; il met la douleur de côté et règle chaque chose tout seul comme pour une affaire d’honneur ; nous restons debout parce qu’il nous soulage.
Comme je le disais, mon imperfection n’est pas innée, n’est pas méritée, malgré tout je la supporte mieux que d’autres qui à travers un important travail de l’imagination à l’aide d’expédients choisis supportent un malheur bien moindre une épouse exécrable p.e., des conditions de vie des métiers misérables et n’ai nullement le visage noir de désespoir, mais blanc et rouge
Il ne le serait pas si mon éducation avait pénétré en moi aussi loin qu’elle le voulait. Peut-être ma jeunesse a-t-elle été trop brève pour cela, alors à pleins poumons je fais l’éloge de sa brièveté encore maintenant passés les quarante ans. C’est seulement grâce à cela que j’ai pu conserver les forces pour devenir conscient des pertes de ma jeunesse, pour faire le deuil de ces pertes, mais aussi pour soulever des reproches contre le passé vers tous les côtés, et enfin un reste de force pour moi-même. Mais toutes ces forces ne sont qu’un reste de celles que je possédais enfant et qui m’ont exposé plus que d’autres aux corrupteurs de la jeunesse, oui une bonne voiture de course est poursuivie et dépassée avant les autres par la poussière et le vent et les obstacles volent vers ses roues, si bien qu’on croirait presque à de l’amour.
Ce que je suis encore à présent m’apparaît le plus nettement dans la force avec laquelle les reproches veulent sortir de moi. Il y a eu des époques où je n’avais rien d’autre en moi que des reproches poussés par la colère, à un tel point qu’en bonne santé physique je m’accrochais dans la rue à des inconnus parce que les reproches en moi se jetaient d’un côté à l’autre, comme l’eau dans une cuvette qu’on porte en se dépêchant.
Ces époques sont passées. Les reproches sont dispersés en moi comme des outils d’un autre que je n’ai plus guère le courage de saisir et de soulever. Cependant la corruption de ma vieille éducation semble agir à nouveau de plus en plus, la manie du souvenir, peut-être propre en général à des célibataires de mon âge, ouvre à nouveau mon cœur à ces hommes que mes reproches devraient frapper et un événement comme celui d’hier jadis aussi fréquent que le fait de manger est désormais si rare que je le note.
Mais au-delà de tout cela c’est encore moi, moi qui ai posé la plume pour ouvrir la fenêtre, qui suis le meilleur aide de mes agresseurs. Je me sous-estime en effet et cela signifie déjà une surestimation des autres mais je les surestime encore par ailleurs et cela mis à part je me nuis simplement à moi-même. Si l’envie de faire des reproches s’empare de moi, je regarde par la fenêtre. Qui peut nier que là-bas les pêcheurs sont assis sur leur barque, comme des élèves qu’on a transportés de l’école jusqu’au fleuve ; bon, leur immobilité est souvent incompréhensible comme celle des mouches sur la vitre. Et bien sûr les tramways passent comme toujours dans un bruissement de l’air dépourvu de finesse et sonnent comme des horloges détraquées, aucun doute, le policier noir des pieds à la tête avec la lumière jaune de la médaille sur la poitrine n’évoque rien d’autre que l’enfer et occupé par des pensées semblables aux miennes considère maintenant un pêcheur, qui soudain, pleure-t-il a-t-il une apparition ou est-ce le bouchon qui bouge, se penche sur le bord de la barque. Tout cela est vrai, mais pour son temps maintenant seuls les reproches sont vrais.
Ils sont lancés contre une foule de personnes, certes cela peut effrayer et pas seulement moi mais n’importe qui préférerait regarder le fleuve par la fenêtre. Ce sont mes parents et des membres de ma famille, qu’ils m’aient nui par amour aggrave leur faute, car combien ils auraient pu me rendre service avec leur amour, puis des familles amies avec un regard mauvais causé par un sentiment de culpabilité ils ont du mal et ne veulent pas monter dans la mémoire, puis un tas de bonnes d’enfants, des professeurs et des écrivains et une cuisinière bien précise parmi eux, puis je passe de l’un à l’autre pour les punir un médecin de la famille, un coiffeur, un timonier, une mendiante, un marchand de papier, un gardien de parc, un maître-nageur puis des dames inconnues du parc de la ville qui n’en ont pas du tout l’allure, des personnes originaires de nos lieux de vacances qui font se moquer de la nature innocente et beaucoup d’autres ; mais il y en aurait plus si je voulais et pouvais tous les nommer par leur nom, bref il y en a tellement qu’il faut faire attention de ne pas en nommer un deux fois.

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